Ce n’est pas drôle d’établir l’ordre
dans sa classe, encore moins dans son groupe en accueil de loisirs, alors que les enfants sont venus prendre du bon temps. C’est nécessaire, pourtant.
Dans Qu’est-ce qu’apprendre ? – Éditions PUF 1980 – réédition de 2013, Olivier Reboul affirme que
« la discipline est premièrement une fonction sociale, disons sans avoir peur des mots tabous, une fonction de police. Car le maître devant sa classe doit d’abord assurer l’ordre. L’ordre sans lequel il n’existe ni liberté, ni justice, ni créativité ; sans lequel la classe devient une foule aveugle, anxieuse, infantile, vouée à l’ennui et se livrant d’elle-même aux meneurs. »
Je l’ai constaté bien des fois : la nature a horreur du vide. Si l’adulte ne prend pas l’initiative des règles du groupe, un jeune leader y pourvoira. Retirez celui-ci, renvoyez-le, un autre prendra sa place aussitôt.
Olivier Reboul poursuit :
« Il reste que l’ordre, comme le désordre d’ailleurs, est de nature purement mécanique. La nécessité dont il résulte est tout extérieure, comme celle d’ouvrir la fenêtre pour avoir de l’air. L’enfant peut comprendre cet ordre-là comme découlant de la nécessité des choses, apprendre à se taire comme il apprend à mettre des gants quand il neige. La contrainte, alors, n’est pas de l’ordre du “tu dois”, mais du “il faut”. C’est pourquoi elle n’humilie pas. »
J’ai souvent entendu « j’en ai marre de la discipline, je n’ai pas signé pour ça ! »
Vraiment ? Qui peut croire qu’une fillette attendra religieusement que le cours commence ? Ou que ce garçon restera assis sans broncher en attendant les consignes de l’animateur ?
Les enfants remuent peut-être moins que les adultes qui ont toujours un coup de fil à passer ou un truc super urgent à glisser dans l’oreille de leur voisine. Vous n’avez jamais remarqué ? Moi, oui, je suis formatrice ! 👀
Blague à part, cela revient au même : si je veux démarrer mon module, j’instaure un certain nombre de rituels qui vont permettre à mes stagiaires de quitter leur monde pour entrer dans le mien.
Mettre de l’ordre, c’est normal.
Rien n’est jamais tout à fait acquis. Non, ce n’est pas que les jeunes souffrent d’amnésie chronique, mais leur cerveau n’est pas encore complètement développé. Ils vivent dans l’instant présent.
Le passé, ils connaissent.
Mais mettez-vous deux minutes à la place d’un collégien qui ne voit cette prof que deux heures par semaine… Comment pourrait-il se souvenir du fonctionnement particulier de ce groupe ? Ce serait plus simple si tous les enseignants suivaient des codes similaires… Les variantes sont nombreuses entre chaque cours, sans parler de l’accueil de loisirs du mercredi. Vous vous en rendez bien compte ! Du coup, il copiera plus ou moins l’attitude des autres et tant pis si ce n’est pas ce qui est attendu !
Personnellement, je préfère anticiper pour ne pas subir. Cela ne veut pas dire rappeler les modalités du stalag et des exécutions !
Vous pourriez me rétorquer que la cantine, c’est tous les jours. C’est vrai et c’est votre chance d’instaurer un comportement durable, compatible avec la vie en société.
Mais attention ! Les règles doivent être claires et cohérentes, rappelées régulièrement, en particulier quand un nouvel enfant arrive.
Et rappelez-vous : « ventre affamé n’a point d’oreilles ! »
Au cours de la pause méridienne, l’enfant, l’adolescent – ou l’adulte en formation – devra pouvoir trouver réponse à ses besoins de se reposer et de se défouler.
Olivier Reboul poursuit par :
« C’est au contraire quand l’ordre n’est pas fait que le maître doit sermonner, menacer, punir… »
Citons enfin Nicolas Boileau, un peu pour le plaisir, je l’avoue :
« Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : polissez-le sans cesse et le repolissez ; ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » L’Art poétique (1674).