À cause de sa grosse tête
et du fait que nous avons décidé un jour de nous tenir sur nos pattes arrière, il est né alors qu’il n’était pas fini. Aucun instinct pour se nourrir ce gosse, ou presque. Il a bien tété à tâtons, mais de là à se mettre illico à brouter, rien à faire. Il faudra encore lui apprendre à tenir une cuillère ! Mais en somme, pour quoi faire ? Il ne peut pas laper dans sa gamelle comme tout un chacun ?
Bah non, il doit apprendre à se tenir dans le monde ! Il ne va quand même pas rester indéfiniment dans les jupes de sa mère… On dit qu’il faut tout un village pour élever un enfant. Ce n’est pas étonnant !
À défaut de village, ou en plus, le voici à l’école où il devra « apprendre à être » en société. Sauf qu’on lui demande d’avance de savoir s’y comporter. Comme s’il n’existait pas de différence entre l’univers clos de la famille et celui du dehors ! Pourtant !
Déjà chez la nourrice,
on lui a reproché d’avoir mordu son camarade… En attendant, c’est bien en mettant tout à la bouche qu’il avait l’habitude de faire la connaissance des objets… Ah bon ? C’était pas à proprement parler un objet ce bras ? Il ne savait pas…
Et, au fait, on n’a jamais terminé d’apprendre, d’acquérir des savoirs et des compétences… D’acquérir des savoir-être aussi…
Comment peut-il savoir, maintenant qu’il tient correctement sa cuillère, qu’il ne peut pas la plonger dans l’assiette de sa voisine de table à la cantine ? À la maison il est tout seul et souvent, il mange avant les grands. Des adultes devront lui expliquer cela gentiment.
Et plus tard, quand il sera adolescent, tant mieux s’il en trouve d’autres pour lui révéler les codes de la relation. Comment savoir, maintenant qu’il partage volontiers son goûter, si la fille du centre prendra cela pour du harcèlement ?
Tous les jours, il y a des nouveautés à comprendre. Tous les jours il faut un village, ou au moins une équipe. Bienveillante, c’est la base. Et professionnelle. Et à l’écoute, observatrice, encourageante !